lundi 22 janvier 2018

Ingénieur télécoms sans diplôme : Mythe ou Réalité ?

Ingénieur Numérique Sans diplôme : Mythe ou Réalité ...?

En  Afrique et partout ailleurs dès que vous vous présentez comme ingénieur, tout le monde vous regarde avec respect et vous considère comme une personne qui a réussit. Et surtout si vous êtes diplômé d'une prestigieuse grande école, comme  l'Ecole Nationale Supérieure Polytechnique de Yaoundé au Cameroun. Plus encore si vous totalisez un nombre important d’année d’étude supérieure, on vous prend presque pour un "gourou" de secte.  Le mythe du diplôme et du nombre d'année passée à l'université est comme un blocage pour plusieurs africains. Pourtant l'expérience  du terrain montre bien que   dans plusieurs  écoles  d'ingénieurs d'Afrique les étudiants  finissent leur  cursus souvent sans vraiment être opérationnel  et sans compétences. Voilà pourquoi on parle de plus en plus de professionnalisation  des enseignants, comme pour compenser un manque très perceptible à la fin des études.  Imaginez-vous qu'en 2018 plusieurs écoles d'ingénieurs n'ont même pas une salle d'ordinateur en Afrique ? Et que dire de la connexion Internet…?

C'est bien souvent avec le temps  et l'expérience du terrain que plusieurs ingénieurs  essaient de bien maîtriser les technologies sur lesquelles ils sont déjà diplômés et  ont été formés.  Au vu des réalités du terrain, des contenues  de formation un peu obsolètes dans nos grandes écoles et  de  l'évolution  technologique,  on serait en droit de se poser la question de savoir s'il n'est pas mieux de repenser l'école ou simplement de réinventer un  système éducatif  pour former  les ingénieurs numérique opérationnel  sans diplôme?  C'est-à-dire   un système ou l’entrée ne serait pas conditionné par le baccalauréat ou par un  mystérieux concours ou l’admission serait des plus sélectives.  Est-il possible d’être ingénieur sans diplôme ?   Est-ce  un mythe ou une réalité réalisable ?
Les exclus du système formel ne peuvent-ils pas, eux- aussi devenir des ingénieurs?  Ne serait-il pas nécessaire de valider les acquis professionnels de ces jeunes très souvent passionnés, mais qui malheureusement n'ont pas peu avoir leur entrée dans une grande école ? Et que dire de ceux  qui n'ont même pas eu la chance de finir leurs  études secondaires et pourtant sont des passionnés de la technologie. Le constat et alarmant et même frustrant pour plusieurs. Surtout dans le contexte africain. Où presqu’aucune chance n’est donné offerte à ceux qui décroche en cours d’études secondaires ou supérieures.

Nous partageons ici des expériences  bien particulières sur des pratiques des ingénieurs en Afrique  au sud du Sahara, sur les contenus de formation, sur les possibilités  de repenser la formation professionnel et spécifiquement  le transfert de technologies en Afrique. Ce dernier semble  être le gage d’un développement réel et effectif.

D'entrer de jeux, je partage avec vous mon expérience d’ingénieur praticien, de formateur et d’enseignant dans les grandes écoles d’Afrique. Je suis un tout-petit ingénieur télécoms, mais sans diplôme depuis  18 ans. J'ai fais beaucoup de formations, mais malheureusement ou heureusement j'ai jamais eu un diplôme d’ingénieur  délivré par une quelconque université. Je n’ai même jamais passé un concours d’entrée dans une école d'ingénieur. Pourtant je suis ingénieur en télécommunication, et spécialisé dans les réseaux sans fil qui sont une véritable passion pour moi. En plus  je suis enseignant-formateur-chercheur dans plusieurs grandes écoles  d’ingénieurs  en Afrique.
Avant de continuer notre réflexion,  essayons de mieux comprendre le terme INGÉNIEUR. Il est définit, comme un professionnel concevant des projets, si possible, par des moyens novateurs, et dirigeant la réalisation et la mise en œuvre de l'ensemble : produits, systèmes ou services impliquant de résoudre des problèmes techniques complexes.  Cette définition assez claire et complète de l'encyclopédie universelle Wikipédia, nous semble bien appropriée pour  poursuivre notre réflexion et mieux comprendre ce qui se  cache  dans le terme « ingénieur ». Signalons au passage qu'en aucun cas, dans cette définition nous ne voyons le nombre d'année d'étude qu'il faut faire pour être considéré ou exercé comme ingénieur.

Par ailleurs on serait en droit de se demander  si  l'ingénieur est forcement ingénieux ? Peut-on faire la différence entre  l'ingénieur diplômé de l'Université et l'ingénieur de terrain ou encore l'ingénieur auto-formé et passionné ?
Une petites anecdote : Dans le cadre des ateliers TIC Africa / Cybervillage, qui est un programme de transfert de technologies et de compétences  que  nous avons crée en Afrique, nous avons été invité à réaliser des ateliers-labo pratiques avec les étudiants du programme de  MASTER de l'AUF (Agence Universitaire de la Francophonie) délocalisé à l'Ecole  Nationale Supérieure Polytechnique de Yaoundé au Cameroun.  A  cette occasion mon assistant  de cours se trouvait être un de nos jeunes qui n'avait même pas pu avoir son baccalauréat et qui pourtant avait des compétences  et  des aptitudes techniques professionnelles,  est  arrivé à montrer aux étudiants de Master comment :
  •   Réaliser un réseau sans fi et faire un bilan de  liaison
  • Configurer un routeur open source et un routeur ordinaire
  • Concevoir et déployer un réseau privé virtuel ( VPN) 
  • Fabriquer des antennes dans la bande des 2.4Ghz
  • Connecter deux réseaux distants, dans des villes et même des pays différents.
  • Installer, pointer et configurer un réseau satellitaire 
  • Alimenter tout système à l’énergie solaire

Et bien d'autres astuces dans la conception, l'administration et la gestion des réseaux en télécommunication. Nous avons eu la même expérience  au Campus Numérique à N'Djamena au TCHAD, mais cette fois avec les professionnels du secteur et les enseignants d'universités.
Alors revenons sur la  question du type d'ingénieur que l'on veut avoir pour l'émergence de l'Afrique : les ingénieurs de terrain ou les ingénieurs super diplômés des  universités et grandes écoles ?  Loin de nous l'idée de vouloir faire des réflexions philosophiques. Nous voulons juste attirer l'attention sur les notions d'ingénieurs, d’opérationnalité technique  et amener les uns et les autres à  admettre qu'il est possible de nos jours d'être ingénieur sans diplôme en  Afrique. Ce n’est pas nouveau. On ne comprend pas pourquoi les africains sont toujours complexés et pensent presque tous,  qu'il faut  forcement  faire de très longues   études de doctorat ou d'agrégation pour  être ingénieur et servir  son pays.

Les étudiants  de la prestigieuse école 42  www.42.fr,  créé par Xavier Niel,  n'ont aucun complexe en finissant leurs études. Pourtant plusieurs parmi eux, n’ont même pas de baccalauréat.  Bien au contraire ils ont une avance très remarquable même sur les "Centraliens" de Paris ou sur ceux du Massachussetts Institut of Technology des Etats Unis d’Amérique. C’est pareil pour les étudiants du programme 10000 Codeurs ( www.10000codeurs.com) de la Société OBJIS  et ceux des « Cybervillage Open Academy for Developement » de l’Association  TIC AFrica. ( www.tic-africa.blogspot.com)
Dans les trois cas de figure aucun diplôme n’est exigé  au début de la formation, mais les stagiaires sont rompus aux codes, aux technologies innovantes, à l’open-source et à l’application concrète des savoirs techniques pour créer de la valeur pour les entreprises  et pour les économies dans le monde.

Le but de l’école  42 est de fournir les ingénieurs qu’on n’arrive pas à trouver sur le marché des diplômés. Ceci parce que les écoles d’ingénieurs n’arrivent pas former  le type d’ingénieur dont ont besoin les entreprises du numérique.


Le programme très innovant 10 000 Codeurs de OBJS  www.10000codeurs.com  veut faire l’Afrique le premier fournisseur  de  développeurs  et de codeurs  dans le monde. Ceci par un transfert de technologies dans les codes  informatiques et particulièrement dans le JAVA. Au terme de cette  session de transfert de technologies qui dure  environ 20 mois et qui se déroule en formule cours-du-soir,  le stagiaire  est apte à développer les applications mobiles et WEB qui  tiennent compte de l’environnement et des réalités africaines.   Ils s’attaquent par le fait même un à l’un des grands piliers du numérique  en Afrique qui est  le développement des contenus locaux africains. Ce programme est déjà en marche dans plusieurs pays d’Afrique francophone et est promis à un bel avenir, parce qu’il trouver l’adhésion de plusieurs Etats Africains et de plusieurs partenaires locaux.

Quant au programme « Cybervillage OpenAcademy 4 Dev » qui  date déjà de plus d’une décennie, il est basé sur la réduction de la fracture numérique  par le transfert de technologies dans les réseaux sans fil, la téléphonie rurale, le developpement  des contenus locaux web et de l’énergie solaire. Les stagiaires de ce programme, s’attaquent directement au problème de l’infrastructure Internet et spécifiquement de l’accès à  Internet au dernier kilomètre. (Last miles).  Plus de 485 Hot spot-Wifi sont aujourd’hui installé à travers l’Afrique grâce à ce programme.  Et le coordonnateur des programmes de TIC Africa,  envisage pour les deux prochaines années la création de 1000 Hotspot-Wifi  dans les  10 régions du Cameroun et en zone CEMAC. Et tout ce travail est fait et réalisé par  des ingénieurs sans diplôme, mais avec des compétences et des aptitudes  pratiques.

Les prévisions de la Banque  Mondiale et des économistes semblent être unanime sur le fait que l’Afrique est le continent de l’avenir. Et en plus la population africaine est pour la grande majorité jeune. Malheureusement les politiques publiques n’encouragent pas beaucoup la formation professionnelle et l’investissement dans les  infrastructures des Télécommunication.  L’Afrique est la région du monde  la moins connecté (moins de 20% de connectivité) et celle ou les  tarifs d’abonnements sont les plus élèves au monde. Ce qui situe la fracture numérique qui, en même temps est  un gisement d’opportunités  à la fois pour les Etats, pour les populations et pour le secteur privé.
Cette réalité est encore ignorée par beaucoup de jeunes en Afrique. Il est donc important et urgent de  former des ingénieurs praticiens en Afrique. Des ingénieurs pas forcement diplômés de Oxfort  en Angleterre ou de Polytechnique au Cameroun. Mais des ingénieurs praticiens qui peuvent  concevoir des projets innovants,  par des moyens novateurs, moins coûteuses et bien entendu dirigés la réalisation et la mise en œuvre des ensembles  « Produits-Système-Services » qui parviennent  à  résoudre des problèmes propres à l’environnement des africains. Les ingénieurs qui apportent des solutions aux problèmes de l’Afrique.
C’est le cas de la Sillicon Savana au Kenya, ou de la Sillicon Montain Cameroun  où  des jeunes passionnés et très souvent sans diplôme innovent, créent, inventent leur futur avec  des services et des produits innovant. Et par le fait même apportent  des solutions aux problèmes de l’Afrique. Voilà l’ingénierie sans diplôme dont il est question. Mais allons comment y arriver ou mieux comment arriver à un niveau de compétence, de technicité et d’ingéniosité sans passer par une école d’ingénieurs… ?

4 Moyens pour se former et être ingénieur, même sans diplôme.
« L’auto-éducation est, je le crois sincèrement, la seule forme d’éducation qui soit ». Cette  affirmation  forte d’Isaac Asimov (écrivain de science-fiction et expert scientifique américano-russe)   est bien surprenante, mais  semble  être un fait. Il prouve que l’auto-éducation est la meilleure  des éducations. D’une part parce qu’on aime ce qu’on apprend par soi-même et non imposé par un système. Et d’autre part, parce que l’apprentissage débouche presqu’immédiatement sur l’application concret des savoirs appris.  A la suite Isaac, l’entrepreneur américain Jim Rohn lui,  nous révolté un peu en disant que : « L’éducation formelle vous aidera à vous faire une vie mais,  L’auto-éducation vous aidera à faire fortune ».  Voilà un autre ton bien fort au sujet l’auto-éducation et  de l’auto-formation. S’il est vrai que l’Internet  et  les autres outils du numérique nous offre  une pléthore de solutions  pour nous former, il n’en demeure pas moins vrai qu’il faut de la ténacité et la détermination pour aller jusqu’au bout de ses idées.
Nous énumérons ici 4  façons ou solutions complémentaires  pour  vous  former et devenir Ingénieur même sans diplôme.

 1.     La lecture
Il a été prouvé, reprouvé et « re-reprouvé » que la lecture est le premier vecteur d’apprentissage dans le monde.  Il est admis que la lecture de 3 livres fait de vous un expert dans le domaine  auquel se rapportent vos lectures. Elon Must est considéré comment un expert  dans l’aéronautique, de l’aérospatial  et de  l’énergie solaire,  alors qu’il n’a jamais  fait les études d’aéronautique. Il a juste fait beaucoup de  lecture et de  recherche dans ces domaines. Pourquoi  ne pouvons-nous pas en faire autant en Afrique ?

2.     Les vidéos de formation  et Youtube
Les TEDx, série de vidéo sont des conférences très  intéressantes traitant des thématique divers et variés sont disponibles gratuitement en ligne sur Internet. Et  sont de sources d’inspiration dans tous les domaines des technologies, des sciences et de l’économie. Et malheureusement très peu d’africain s’intéressent à ces conférences. Les vidéos Youtube sont  de véritables sources d’inspiration de nos jours.  Elles ont permis à plusieurs  non seulement de se former, mais aussi de créer leurs business. Savez vous le nombre de temps moyen que passe un jeune africain sur les réseaux sociaux (particulièrement sur Facebook et Whatapp) ? Si seulement ce temps était mis à contribution pour l’apprentissage, l’Afrique serait déjà le gisement d’inventeurs le plus important de toute la planète.

3.     L’Auto-Radio (cours audio)
Ecouter l’autoradio ( ou mieux les fichiers MP3)  permet de se former pendant qu’on est dans un taxi ou au volant de sa voiture. Et ainsi les moments d’embouteillage sont capitalisés pour l’apprentissage. En une semaine, nous pouvons  accumuler  5h de conférence  en écoutant juste 1h par jour. Ce qui fait  20h d’écoute par mois
On peut apprendre par l’autoradio dans tous les domaines, et pas seulement les langues.  Elle favorise la créativité et  aiguise  notre vision de la vie et de l’avenir

4.     La Formation en ligne
La quatrième façon d’apprendre dans tous les domaines, c’est bien évidement par  la formation en ligne. Voilà Internet qui devient véritablement une chance pour l’Afrique, comment le disait l’ancien Ingénieur camerounais de MICROSOFT, Monsieur  Bonjavo. Une chance parce que les opportunités y sont dénombrés par milliers de millions. Le jeune Ingénieur  Camerounais Arthur Zang, inventeur du CardioPad ( périphérique de télémédecine) nous a confié qu’il est appris l’électronique entièrement en ligne pendant ses recherches. Et bien plus que c’est pas l’Internet qu’il a pu décrocher le premier financement pour lancer son entreprise.  Il existe en ligne sur Internet  plusieurs  solutions de formation.           Ce qu’on appelle couramment les MOOC  (Massive Open Online Courses), sont des cours pour la plus part gratuits. Mais très peu explorer par les Africains.         Le concept est né aux Etats-Unis  et se repend progressivement dans le monde entier. Ce sont des cours en ligne ouvert et massif permettant de se former à distance et pouvant accueillir un grand nombre de participants.  Plusieurs grandes écoles et universités  mettent à disposition en ligne la majorité de leurs cours. C’est dire que tout le savoir du monde est donc disponible en ligne sur Internet et en plus mise à jour. L’Université Virtuelle Africain est l’un des plus grands réseaux de formation et d’apprentissage à distance en Afrique. Cybervillage OpenAcademy  4 Dev est aussi un centre de formation et d’apprentissage à distance, lancé par l’Association TIC Africa / Cybervillage. Cette dernier offre de formation en ligne  et aussi des ateliers itinérante à travers les régions des  du Cameroun et d’Afrique.

         Au terme de cette réflexion, dont le but était de mieux comprendre la notion d’ingénieur numérique sans diplôme, de voir si c’est possible et réalisation. Nous remarquons tous que c’est bien possible  d’être ingénieur sans diplôme. Sans même avoir jamais fait des études supérieures.  Plus la peine de trouver des prétextes pour ce complaire dans l’oisiveté et le chômage. Plus la peine d’attendre l’Etat « Père  Noël » pour être ingénieur,  pour avoir un emploi ou pour  en créer une. Seul l’action, l’acquisition des savoirs techniques et leurs mise en application peuvent semble-t-il apporter un changement dans votre vie de jeune.  Donc « être ingénieur numérique »  ne devrait plus être un mythe pour les africains. Mais bien au contraire une issue pour casser les barrières de l’impossible, sortir sa zone de confort  et contribuer à développer  notre continent, maintenant ou jamais.